Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
HISTOIRES DE BÊTES

légèrement à droite, et brusquement l’attaque se produisit. Elle était si imprévue qu’en même temps que j’esquissais un premier geste de défense j’étais saisi à la gorge et aux bras. L’issue ne me paraissait pas douteuse : j’allais bel et bien être étranglé dans le plein de la jeunesse. Je crois inutile de vous dire que j’en étais fort marri et voire épouvanté. Je me débattais de mon mieux — mais sans autre résultat que de retarder l’événement… Toutefois, je comptais un peu sur mes chiens. Briscard, tout tremblant sur ses pattes, grognait, aboyait, mais gardait ses distances. Quant à Muffat, il arrivait. En quelques bonds, il fut proche. Puis il me parut qu’il hésitait — en quoi je me trompais grandement : en chien qui a de la tête, il calculait son attaque. Elle fut aussi foudroyante que celle des bandits. Ce chien, peu taillé pour la lutte, bondit sur le dos d’un des assaillants et lui ouvrit une carotide de deux coups de dents formidables. Le sang de l’homme gicla en jet de fontaine et Muffat, avec un instinct supérieur, l’abandonna et sauta sur le second agresseur : c’était celui qui me tenait à la gorge. En sentant les crocs de la bête, il me lâcha… Je fis quelques pas, en chancelant, puis, ranimé par un grand flot d’air, j’atteignis mon revolver et courus au secours du chien.

Une minute plus tard, un des bandits pantelait, la tête trouée de trois balles, tandis que l’autre, affaibli par la perte de son sang, s’écroulait sur la mousse.