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LA MORT DE LA TERRE

— Le temps est beau, Targ… Les plantes sont heureuses !

Elle aspira l’odeur consolante qui sourd de la chair verte des feuilles ; le feu noir de ses yeux palpitait. Trois oiseaux planèrent au-dessus des arbres et s’abattirent au bord de la plate-forme. Ils avaient la taille des anciens condors, des formes aussi pures que celles des beaux corps féminins, d’immenses ailes argentines, glacées d’améthyste, dont les pointes émettaient une lueur violette. Leurs têtes étaient grosses, leurs becs très courts, très souples, rouges comme des lèvres ; et l’expression de leurs yeux se rapprochait de l’expression humaine. L’un d’eux, levant la tête, fit entendre des sons articulés ; Targ prit la main d’Arva avec inquiétude.

— Tu as compris ? fit-il. La terre s’agite !…

Quoique, depuis très longtemps, aucune oasis n’eût péri par les secousses sismiques et que l’amplitude de celles-ci eût bien diminué depuis l’ère sinistre où elles avaient brisé la puissance humaine, Arva partagea le trouble de son frère.

Mais une idée capricieuse lui passant par l’esprit :

— Qui sait, fit-elle, si, après avoir fait tant de mal à nos frères, les tremblements de terre ne nous deviendront pas favorables ?

— Et comment ? demanda Targ avec indulgence.

— En faisant reparaître une partie des eaux !