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sait de ces êtres liés à son sort, individualité plus multiple, plus compliquée, plus sûre de vaincre et de déjouer les embûches.

Des ombres longues se détachaient de la base des arbres, les herbes se gorgeaient d’une sève abondante, et le soleil, plus jaune et plus grand à mesure qu’il glissait vers l’abîme, faisait luire le troupeau d’aurochs comme un fleuve d’eaux fauves.

Les derniers doutes de Naoh se dissipèrent : par-delà l’échancrure des collines, l’abreuvoir était proche ; son instinct l’en assurait, et le nombre des bêtes furtives qui suivaient la route des aurochs. Nam et Gaw le savaient aussi, les narines dilatées aux émanations fraîches.

— Il faut devancer les aurochs, fit Naoh.

Car il craignait que l’abreuvoir ne fût étroit et que les colosses n’en obstruassent les bords. Les guerriers accélérèrent la marche afin d’atteindre avant le troupeau le creux des collines.

À cause de leur nombre, de la prudence des vieux taureaux et de la lassitude des jeunes, les bêtes avançaient avec lenteur. Les Oulhamr gagnèrent du terrain. D’autres créatures suivaient la même tactique ; on voyait filer de légers saïgas, des égagres, des mouflons, des hémiones et, transversalement, une troupe de chevaux. Plusieurs franchissaient déjà la passe.

Naoh prit une grande avance sur les aurochs : on pourrait boire sans hâte. Lorsque les hommes atteignirent la plus haute colline, les aurochs retardaient de mille coudées.

Nam et Gaw pressèrent encore la course ; leur soif s’avivait ; ils contournèrent la colline, s’engagèrent dans la passe. L’Eau parut, mère créatrice, plus bienfaisante que le feu même et moins cruelle : c’était presque un lac, étendu au pied d’une chaîne de roches, coupé de pres-