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Horde s’assemblait avec un grand frisson. Elle était faible, elle était morne. Quand reviendraient les jours où la flamme grondait en mangeant les bûches ! Alors une odeur de chair rôtie montait dans le crépuscule, une joie chaude entrait dans les torses, les loups rôdaient lamentables, l’ours, le lion et le léopard s’éloignaient de cette vie étincelante.

Le soleil sombra ; sur l’occident nu, la lumière mourut sans éclat. Et les bêtes qui vivent de l’ombre commençaient à rôder sur la terre.

Le vieux Goûn, dont la misère avait accru l’âge de plusieurs années, poussa un gémissement sinistre :

— Goûn a vu ses fils, et les fils de ses fils. Jamais le Feu n’avait été absent parmi les Oulhamr. Voilà qu’il n’y a plus de Feu… et Goûn mourra sans l’avoir revu.

Le creux du roc où s’abritait la tribu était presque une caverne. Par un temps doux, c’eût été un bon abri ; mais la bise flagellait les poitrines.

Goûn dit encore :

— Les loups et les chiens deviendront chaque soir plus hardis.

Il montrait les silhouettes furtives qui se multipliaient avec la chute des ténèbres. Les hurlements se faisaient plus longs et plus menaçants ; la nuit versait continuellement ses bêtes faméliques. Seules les dernières lueurs crépusculaires les tenaient encore éloignées. Les veilleurs, inquiets, marchaient dans l’air dur, sous les étoiles froides…

Brusquement, l’un d’eux s’arrêta et tendit la tête. Deux autres l’imitèrent.

Puis le premier déclara :

— Il y a des hommes dans la plaine !

Un tremblement passa sur la horde. Il y en avait chez qui dominait la crainte ; l’espérance enflait la poi-