Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Hommes-sans-épaules lui en donneraient sûrement. Mais une superstition obscure le guidait ; il tenait à ces petites flammes de la conquête ; l’avenir aurait paru menaçant si elles étaient toutes trois mortes. Il les ramena glorieusement auprès des Wah.

Ils l’observaient avec curiosité et une femme, qui conduisait la horde, hocha la tête. Le grand Nomade montra, par des gestes, que les siens avaient vu mourir le feu et qu’il avait su le reconquérir. Personne ne paraissant le comprendre, Naoh se demanda s’ils n’étaient pas de ces races misérables qui ne savent pas se chauffer pendant les jours froids, éloigner la nuit ni cuire les aliments. Le vieux Goûn disait qu’il existait de telles hordes, inférieures aux loups, qui dépassent l’homme par la finesse de l’ouïe et la perfection du flair. Naoh, pris de pitié, allait leur montrer comment on fait croître la flamme, lorsqu’il aperçut, parmi des saules, une femme qui frappait l’une contre l’autre deux pierres. Des étincelles jaillissaient, presque continues, puis un petit point rouge dansa le long d’une herbe très fine et très sèche ; d’autres brins flambèrent, que la femme entretenait doucement de son souffle : le feu se mit à dévorer des feuilles et des ramilles.

Le Fils du Léopard demeurait immobile. Et il songea, pris d’un grand saisissement :

« Les Hommes-sans-épaules cachent le feu dans des pierres ! »

S’approchant de la femme, il cherchait à l’examiner. Elle eut un geste instinctif de méfiance. Puis, se souvenant que cet homme les avait sauvés, elle lui tendit les pierres. Il les examina avidement et, n’y pouvant découvrir aucune fissure, sa surprise fut plus grande. Alors, il les tâta : elles étaient froides. Il se demandait avec inquiétude :