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plus de choses que ceux de sa tribu, mais que leur vie était chétive. Leurs gestes étaient flexibles et tardifs ; ils se mettaient deux et même trois pour soulever un blessé ; parfois, pris d’une torpeur étrange, ils demeuraient les yeux fixes, les bras suspendus comme des branches mortes.

Peut-être les femmes se montraient-elles moins lentes. Elles semblaient aussi plus adroites et déployaient plus de ressources. Même, après quelque temps, Naoh s’aperçut que l’une d’entre elles commandait à la tribu. Cependant, elles avaient les mêmes yeux obscurs, le même visage triste que leurs mâles, et leur chevelure était pauvre, plantée par touffes, avec des îlots de peau squameuse. Le Fils du Léopard songea aux chevelures abondantes des femmes de sa race, à l’herbe magnifique qui étincelait sur la tête de Gammla… Quelques-unes vinrent, avec deux hommes, considérer les blessures des Oulhamr. Une douceur tranquille émanait de leurs mouvements. Elles nettoyaient le sang avec des feuilles aromatiques, elles couvraient les plaies d’herbes écrasées que maintenaient des liens de jonc. Ce pansement fut le signe définitif de l’alliance. Naoh songea que les Hommes-sans-épaules étaient bien moins rudes que ses frères, que les Dévoreurs d’Hommes et que les Nains Rouges. Et son instinct ne le trompait pas plus qu’il ne le trompait sur leur faiblesse.

Leurs ancêtres avaient taillé la pierre et le bois avant les autres hommes. Pendant des millénaires, les Wah occupèrent des plaines et des forêts nombreuses. Ils furent les plus forts. Leurs armes faisaient des blessures profondes, ils connaissaient les secrets du feu et, dans le choc avec les faibles hordes errantes ou les familles solitaires, ils prenaient facilement l’avantage. Alors, leur structure était puissante, leurs muscles rudes et infati-