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Un instinct, contraire à celui des Nains, éparpillait les Hommes-sans-épaules. Comme ils maniaient préférablement l’arme de jet, ils trouvaient avantage à se dérober. Ils rôdaient à distance, d’une allure lente et triste.

De nouveau, les sagaies sifflèrent ; ceux qui n’avaient plus de munitions ramassaient des pierres minces et les adaptaient à leurs propulseurs. Naoh, approuvant leur tactique, lança lui-même ses sagaies et son harpon, qu’il avait ramenés de sa première attaque, et, à son tour, se servit de pierres. Les Nains Rouges conçurent que leur défaite était certaine s’ils ne revenaient au corps à corps. Ils précipitèrent la charge. Elle rencontra le vide. Les Hommes-sans-épaules avaient reflué sur les flancs, tandis que Naoh, Nam et Gaw, plus lestes, atteignaient des retardataires ou des blessés et les assommaient.

Si les alliés avaient été aussi véloces que les Oulhamr, le contact fût demeuré impossible, mais leurs longues enjambées étaient incertaines et lentes. Dès que les Nains Rouges se décidèrent à les poursuivre individuellement, l’avantage se déplaça. Le souffle du désastre passa : de toutes parts, les épieux s’enfonçaient aux entrailles des Hommes-sans-épaules. Alors, Naoh jeta un long regard sur la mêlée. Il vit celui dont la voix guidait les Nains Rouges, un homme trapu, au poil semé de neige, aux dents énormes. Il fallait l’atteindre ; quinze poitrines l’enveloppaient… Un courage plus fort que la mort souleva la grande stature du Nomade. Avec un grondement d’aurochs, il prit sa course. Tout croulait sous la massue. Mais, près du vieux chef, les épieux se hérissèrent ; ils fermaient la route, ils frappaient aux flancs du colosse. Il réussit à les abattre. D’autres Nains accoururent. Alors, appelant ses compagnons, d’un effort suprême, il renversa la barrière de torses et d’armes, il écrasa comme une noix la tête épaisse du chef…