Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fresnaie d’où, avec ses jeunes hommes, il avait aperçu la halte des Kzamms. Alors, un brasier rouge y éteignait la lueur de la lune montante ; maintenant, le camp était morne, les braises, dispersées par Naoh, s’étaient toutes éteintes, l’argenture nocturne se posait sur l’immobilité des hommes et des choses ; on n’entendait que la plainte intermittente d’un blessé.

Naoh, ayant consulté chacun de ses sens, eut la certitude que les poursuivants n’étaient pas revenus. Il marcha vers le camp : les plaintes du blessé cessèrent ; il sembla n’y avoir plus là que des cadavres. D’ailleurs, il ne s’attarda pas ; il marcha dans la direction par où Gaw avait fui tout d’abord, et il retrouva la piste. D’abord facile à suivre, accompagnée qu’elle était par les traces nombreuses des Kzamms, et presque en ligne droite, elle s’infléchissait par la suite, tournait entre des mamelons, revenait sur elle-même, traversait des broussailles. Une mare la coupait brusquement : Naoh ne la ressaisit qu’au tournant de la rive, humide maintenant, comme si Gaw et les autres eussent été trempés dans l’eau.

Devant un bois de sycomores, les Kzamms avaient dû se diviser en plusieurs bandes. Naoh réussit toutefois à démêler la direction favorable et marcha pendant trois ou quatre mille coudées encore. Mais, alors, il dut s’arrêter. De gros nuages engloutissaient la lune, l’aube ne se décelait pas encore.

Le fils du Léopard s’assit au pied d’un sycomore qui croissait depuis dix générations d’hommes. Les fauves avaient fini leur chasse, les animaux diurnes ne bougeaient pas encore, cachés dans la terre, les fourrés, les trous des arbres, ou parmi les ramures.

Naoh se reposa ; quelques gouttes du temps éternel s’écoulèrent à travers la vie fugitive du bois. Puis une blancheur froide commença à se répandre de cime en