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ELEGIE

Six ans estoient coulez, et la septiesme année
Estoit presques entière en ses pas retournée,
Quand loin d’affection, de désir et d’amour,
En pure liberté je passois tout le jour.
Et franc de tout soucy qui les ame dévore,
Je dormois dés le soir jusqu’au poinct de l’Aurore.
Car seul maistre de moy j’allois plein de loisir,
Où le pied me portoit, conduit de mon désir.
Ayant tousjours és mains pour me servir de guide
Aristote ou Platon, ou le docte Euripide,
Mes bons hostes muets, qui ne faschent jamais :
Ainsi que je les prens, ainsi je les remais.
O douce compagnie et utile et honneste !
Un autre en caquetant m’estourdiroit la teste.

Puis du livre ennuyé, je regardois les fleurs,
Fueilles, tiges, rameaux, espèces et couleurs.
Et l’entrecoupement de leurs formes diverses.
Peintes de cent façons, jaunes rouges et perses,
Ne me pouvant saouler, ainsi qu’en un tableau.
D’admirer la Nature, et ce qu’elle a de beau :
Et de dire en parlant aux fleurettes escloses,