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CONTINUA. DES AMOURS

Je le veus estre aussi, les hommes sont bien lours
Qui n’osent en cent lieux neuve amour entreprendre.
Cétui-là qui ne veut qu’à une seule entendre,
N’est pas digne qu’Amour lui face de bons tours.
Celui qui n’ose faire une amitié nouvelle,
A faute de courage, ou faute de cervelle,
Se defiant de soi, qui ne peut avoir mieus.
Les hommes maladis, ou mattés de vieillesse,
Doivent estre constans : mais sotte est la jeunesse
Qui n’est point eveillée, & qui n’aime en cent lieus.


Marie, vous avés la joue aussi vermeille
Qu’une rose de Mai, vous avés les cheveus
De couleur de chastaigne, entrefrisés de neus,
Gentement tortillés tout-au-tour de l’oreille.
Quand vous estiés petite, une mignarde abeille
Dans vos levres forma son dous miel savoureus,
Amour laissa ses traits dans vos yeus rigoreus,
Pithon vous feit la vois à nulle autre pareille.
Vous avés les tetins comme deus mons de lait,
Caillé bien blanchement sus du jonc nouvelet
Qu’une jeune pucelle au mois de Juin façonne :
De Junon sont vos bras, des Graces vostre sein,
Vous avés de l’Aurore & le front, & la main,
Mais vous avés le cœur d’une fiere lionne.


Je ne suis seulement amoureus de Marie,