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DE P. DE RONSARD.

De vivre malheureus en si belle misere.


Peletier mon ami, le tems leger s’enfuit,
Je change nuit & jour de poil & de jeunesse :
Mais je ne change pas l’amour d’une maistresse
Qui, dans mon cueur colée, eternelle me suit.
Toi qui es des anfance en tout savoir instruit,
(Si de nottre amitié l’antique neud te presse)
Comme sage & plus vieil, donne moi quelque adresse,
Pour eviter ce mal qui ma raison détruit.
Aide-moi, Peletier, si par philosophie,
Ou par le cours des cieus tu as jamais apris
Un remede d’amour, di-le moi je te prie,
Car, bien qu’ores au ciel ton cueur soit elevé,
Si as-tu quelquefois d’une dame esté pris.
Et pour dieu ! conte-moi comme tu t’es sauvé.


Aurat, apres ta mort, la terre n’est pas digne,
Pourrir si docte cors, comme est vraiment le tien.
Les Dieux le changeront en quelque vois : ou bien,
Si Echon ne sufist, le changeront en Cigne,
Ou, en ce corps qui vit de rosée divine,
Ou, en mouche qui fait le miel hymettien,
Ou, en l’oiseau qui chante & le crime ancien
De Terée au printemps redit sus une épine.
Ou, si tu n’es changé tout entier en quelqu’un,
Tu vétiras un cors qui te sera commun