Page:Ronsard - Continuation des Amours, 1555.pdf/23

Cette page n’a pas encore été corrigée
23
DE P. DE RONSARD.

Las! le tems non, mais nous nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame:
   Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts n'en sera plus nouvelle:
Pour-ce aimés moi, ce pendant qu'estes belle.


Gentil barbier, enfant de Podalyre,
Je te supply, seigne bien ma maitresse,
Et qu'en ce mois, en seignant, elle laisse
Le sang gelé dont elle me martyre.
   Encore un peu dans la palette tire
De son sang froid, ains de sa glace épesse,
A celle fin qu'en sa place renaisse
Un sang plus chaut qui de m'aimer l'inspire.
   Ha! velelà, c'estoit ce sang si noir
Que je n'ay peu de mon chaud émouvoir
En soupirant pour elle mainte année.
   Ha c'est assez, cesse gentil barbier,
Ha je me pâme! et mon ame estonnée
S'evanouist en voiant son meurtrier.


J'aurai tousjours en une hayne extréme
Le soir, la chaire, et le lit odieus,
Où je fus pris, sans y penser, des yeus
Qui pour aimer me font hayr moi-mesme.
   J'aurai tousjours le front pensif et bléme