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DE P. DE RONSARD.

Vous l’aurez beau prescher, et dire qu’elle est belle,
Sans s’esmouvoir de rien, vous entendra pres d’elle
Parler un jour entier, & ne respondra mot.


Je crois que je mouroi’ si ce n’estoit la Muse
Qui deçà & delà fidelle m’acompaigne
Sans se lasser, par chams, par bois, & par montaigne,
Et de ses beaus presens tous mes soucis abuse :
Si je suis ennuyé je n’ay point d’autre ruse
Pour me desennuyer que Clion ma Compaigne ;
Si tost que je l’apelle, elle ne me dedaigne,
Et de me venir voir jamais el’ ne s’excuse :
Des presens des neuf Seurs soit en toute saison
Pleine toute ma chambre, & plaine ma maison,
Car la rouille jamais à leurs beaus dons ne touche.
Le Tin ne fleurît pas aus Abeilles si dous
Comme leurs beaus presens me sont doux à la bouche,
Desquels les bons esprits ne furent jamais saouls.


Mignongne, levés-vous, vous estes paresseuse,
Ja la gaie Alouette au ciel à fredonné,
Et ja, le Rossignol frisquement jargonné,
Dessus l’espine assis, sa complainte amoureuse.
Debout donq, allon voir l’herbelette perleuse,
Et vostre beau Rosier de boutons couronné,
Et voz oeillets aimés, ausquels aves donné
Hyer au soir de l’eau, d’une main si songneuse.