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Chargé de lingos d’or, l’eschine de Neptune :
Mais sans point travailler tousjours boivent du ciel
Le Nectar qui distille, et se paissent de miel.
Là, bien-heureux Salel, (ayant à la nature
Payé ce que luy doit chacune creature)
Tu vis franc de la mort, et du cruel soucy
Tu te moques là bas, qui nous tormente icy :
Et moy chetif, je vy ! et je traine ma vie
Entre mille douleurs, dont la bourrelle Envie
Me tormente à grand tort de pincemens cuisans,
Me faisant le jouët d’un tas de Courtisans
Qui deschirent mon nom, et ma gloire naissante
(Dieus destournez ce mal !) par leur langue meschante :
Ah ! France, ingrate France, et faut il recevoir
Tant de derisions, pour faire son devoir ?
Envoye de là bas (mon Salel) je te prie
Pour leur punition, quelque horrible Furie,
Qui d’un fouët retors de serpens furieux
Leur frape sans repos et la bouche et les yeux,
Et d’un long repentir leur tourne dedans l’ame,
Icy mon innocence, et là le meschant blasme
Qu’ils commettent vers moy, et frayeur leur donnant
La nuict de mille horreurs les aille espoinçonnant.
Et toy Pere vengeur de la simple innocence,
Si j’ay d’un cœur devot suivy dés mon enfance
Tes filles les neuf Sœurs, si je suis coustumier
Tousjours mettre ton nom dans mes vers le premier.
Tonne là haut pour moy, et dardant la tempeste,
Ecarbouille en cent lieux le cerveau de leur teste,
Signe de ta faveur, et ne laisse outrager
Si miserablement les tiens sans les venger.


ÉPITAPHE
de François Rabelais.


Si d’un mort qui pourri repose
Nature engendre quelque chose,
Et si la generation