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IV. LIVRE DES ODES

Desloyal envers moy te portes,
Et pour faire un penser veinqueur,
De nuict tu luy ouvres mes portes.

  Tu ne te sçaurois excuser
Que tu ne viennes m’abuser.
Et qu’à tort ne me sois contraire.
Qui veux mon part}’ refuser
Pour soustenir mon adversaire.

  Mais en qui me doy-je fier !
Quand chetif je me voy lier
De mes gens qui me viennent prendre.
Pour estre fait le prisonnier
De ceux qui me devroient défendre !

  Ce penser n’eust logé chez moy
S’il n’eust eu trafique avec toy.
Sors, cœur, de ta place ancienne :
Puis que tu m’as rompu ta foy,
Je te veux rompre aussi la mienne.

  Sors donq, si tu ne veux périr
De telle mort qu’on fait mourir
Le soudart, qui rompt sa foy vaine
Pour aller, traistre, secourir
L’ennemy de son Capitaine.

ODE XII.

  Quand je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vandomois,
Plein de pensées vagabondes.
Plein d’un remors et d’un souci.
Aux rochers je me plains ainsi.
Aux bois, aux antres, et aux ondes.

  Rochers, bien que soyez âgez
De trois mil ans, vous ne changez
Jamais ny d’estat ny de forme :
Mais tousjours ma jeunesse fuit.
Et la vieillesse qui me suit.
De jeune en vieillard me transforme.