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AU ROY.

Apres avoir sué sous le fais du harnois.
Bornant plus loin ta France, et fait boire aux François
Au creux de leurs armets, en lieu de l’eau de Seine
La Meuse Bourguignonne, et saccagé la plaine
Des Flamans mis en route, et l’antique surnom
Des chasteaux de Marie eschangez en ton nom :
Apres estre veinqueur d’une bataille heureuse.
Et veu César courir d’une fuite peureuse :
Apres avoir suivy le soin du marinier.
Lequel se souvenant de l’orage dernier,
Ancré dedans le port, soigneusement prend garde
S’il faut rien à sa nef : maintenant il regarde
Si le tillac est bon, si la carène en bas
Est point entre-fenduë : il contemple le mas.
Maintenant le timon, il r’habille les coûtes.
Les carreaux et les aiz, et les tables dissoutes :
Et bien qu’il soit au port, il n’a moindre souci
De sa nef, qu’en tempeste, et se rempare ainsi
Que s’il estoit enclos au milieu de l’orage.
Et ne se veut fier au tranquille visage
Du ciel ny de la mer pour se donner à l’eau.
Que premier il n’ait bien calfeutré son vaisseau.
Ainsi après avoir (la guerre estant finie)
De vivres et de gens ta frontière garnie.
Fait nouveaux bastions, flanqué chasteaux et forts,
Remparé tes citez, fortifié tes ports :
Bref, après avoir fait ce qu’un Prince doit faire
Et en guerre et en paix utile et necessaire
Pour tenir ton pays en toute seureté :
Sire, j’offenserois contre ta Majesté,
Si comme un importun je venois d’aventure
Entre-rompre tes jeux d’une longue escriture.
Maintenant que tu dois pour quelque peu de temps