Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 3.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée
113
II. LIVRE DES ODES

  Adonc par les lieux solitaires.
Et par l’horreur des cimetaires
    Où tu hantes le plus,
Au son des vers que tu murmures
Les corps des morts tu des-emmures
    De leurs tombeaux reclus.

  Vestant de l’un l’image vaine
Tu viens effroyer d’une peine
    (Rebarbotant un sort)
Quelque veufve qui se tourmente,
Ou quelque mère qui lamente
    Son seul héritier mort.

  Tu fais que la Lune enchantée
Marche par l’air toute argentée,
    Luy dardant d’icy bas
Telle couleur aux joues pâlies.
Que le son de mille cymbales
    Ne divertiroit pas.

  Tu es la frayeur du village :
Chacun craignant ton sorcelage
    Te ferme sa maison.
Tremblant de peur que tu ne taches
Ses bœufs, ses moutons et ses vaches
    Du just de ta poison.

  J ’ay veu souvent ton œil senestre.
Trois fois regardant de loin paistre
    La guide du troupeau.
L’ensorceler de telle sorte.
Que tost après je la vy morte
    Et les vers sur la peau.

  Comme toy, Medée exécrable
Fut bien quelquefois profitable :
    Ses venins ont servy,
Reverdissant d’Eson l’escorce :
Au contraire, tu m’as par force
    Mon beau printemps ravy.

Ronsard, t. iii.
8