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I. LIVRE

A fait eſcarter mon nauire
Qui fendoit l’eau ſi droitement ?
Tourne à riue, douce nourrice,
Ne vois-tu Morel ſus le bord,
Lequel à fin qu’il te cheriſſe,
T’œillade pour venir au port ?
N’ois-tu pas ſa Nymphe Antoinete
Du front du haure t’appeller,
Faiſant ſon œil eſtinceller,
Qui te ſert d’heureuſe planete ?

Epode.

Haſte toy donc de plier
Ta chanſon trop pourſuiuie,
De peur (Muſe) que l’enuie
N’ait matiere de crier,
Qui ſeule veut abiſmer
Mon nom au fond de la Mer
Par ſa langue ſacrilege :
Mais tant plus m’y veut plonger,
Plus elle me fait nager
Haut deſſus l’eau comme vn liege.

Stro. 22.

Contre ceſte lice execrable
Reſiſte d’vn dos non plié.
» C’eſt grand mal d’eſtre miſerable,
» Mais c’eſt grand bien d’eſtre enuié.
Ie ſçay que tes peines ancrées
Au port de la Felicité,
Seront malgré les ans ſacrées
Aux pieds de l’Immortalité :
Mais les vers que la chienne Enuie
En ſe rongeant fait auorter,