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DES ODES.

» Il le donne à ceſtuy-là
» Qui par raiſon ſe compaſſe.

Stro. 8.

Il faut qu’en me parant i’euite
L’eſcrime de leur langue viſte
A tirer l’eſtoc dangereux :
Si eſt-ce que i’oy touſiours dire
» Qu’vn homme engreßé de meſdire
» Maigriſt à la fin mal-heureux.
Ils n’ont point le taper ſi beau,
Que leur caquet te force à croire
Qu’vn blanc habit orne vn corbeau,
Ou bien que la neige ſoit noire :
Ton iugement cognoiſt aſſez
Les vers qui ſont bien compaſſez,
Et ceux qui trainent vne ennuie,
Et ceux qui languiſſent ſans vie,
Enroüez, durs & mal-plaiſans.
» Par trait de temps les flateurs meurent :
» Mais les beaux vers touſiours demeurent
» Opiniaſtres ſur les ans.

Antiſtro.

Prince, ie t’enuoye ceſte Ode,
Trafiquant mes vers à la mode
Que le marchant baille ſon bien,
Troque pour troq’: toy qui es riche,
Toy, Roy des biens, ne ſois point chiche
De changer ton preſent au mien.
Ne te laſſe point de donner,
Et tu verras comme i’accorde
L’honneur que ie promets ſonner,
Quand vn preſent dore ma corde.