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III. LIVRE

Et que là pour l'honneur de ſon oncle Pâris,
Baſtiroit pour iamais la ville de Paris,
Ville que ſes neueux & ſa Troyenne race
Tiendroient de main en main pour leur royale place.
Il me ſemble deſia que i'oy de toutes pars
Deſloger ton Francus, & la voix des ſoldars,
Et le haniſſement des cheuaux, & la tourbe
Des vieux peres laiſſez ſur le riuage courbe,
Et le cry des enfans, & les pleurs ſoucieux
Des femmes enuoyer vn bruit iuſques aux cieux.
Mais pour cela Francus ne cede à la fortune,
Ains pratique guerrier ſes ſoldars importune
De veſtir le harnois, & haut apparoiſſant
Au milieu de ſon camp comme vn grand Pin croiſſant
Sur les menus Cyprez, ſaccage la campagne,
Et desfie au combat les Princes d'Allemagne.
Les champs de Franconie en armes il paſſa,
Et ſon nom pour iamais à la terre laiſſa:
Paſſa le Rhin Gaulois, la Moſelle, & la Meuſe,
Et vint planter ſon camp deſſus la riue herbeuſe
De Marne au cours tortu, & de là deſcendant
Où Seine de ſa corne vn trac ſe va fendant,
Fonda dedans vne iſle au milieu d'vne plaine
La ville de Paris, qui pour lors n'eſtoit pleine
Que de buiſſons & d'herbe, & ſes grands Palais d'or
Comme ils font auiourd'huy n'y reluiſoient encor.
Tous les Rois & Seigneurs de la Gauloiſe terre
A ſon premier abord luy manderent la guerre,
Et qu'ils ſeroient honteux, qu'vn pirate banny
Se remparoit ſans coups de leur pays garny
D'hommes & de cheuaux, qui plus-toſt que tempeſte
Vn orage ferré verſeroient ſur ſa teſte.