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DES ODES.

D’vne chaine ſommeilliere
Mes yeux clos ſous la paupiere.
Ia ie dormois en mon lit
Lors que i’entr’ouy le bruit
D’vn qui frappoit à ma porte,
Et heurtoit de telle ſorte
Que mon dormir s’en-alla :
Ie demanday, Qu’eſt-ce là
Qui fait à mon huis ſa plainte ?
Ie ſuis enfant, n’aye crainte,
Ce me dit-il, & adonc
Ie luy deſſerre le gond
De ma porte verrouillée.
I’ay la chemiſe mouillée
Qui me trempe iuſqu’aux oz,
Ce diſoit, deſſus le doz
Toute nuict i’ay eu la pluie :
Et pource ie te ſupplie
De me conduire à ton feu
Pour m’aller ſeicher vn peu.
Lors ie prins ſa main humide
Et plein de pitié le guide
En ma chambre & le fis ſeoir
Au feu qui reſtoit du ſoir :
Puis allumant des chandelles,
Ie vy qu’il portoit des ailes,
Dans la main vn arc Turquois,
Et ſous l’aiſſelle vn carquois.
Adonc en mon cœur ie penſe
Qu’il auoit quelque puiſſance,
Et qu’il falloit m’appreſter
Pour le faire banqueter.

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