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II. LIVRE

La terre n’eſt pas pleine
Seulement de ta peine,
Mais les poiſſons außi
Sentent ſous tes ouurages
Baſtis à leurs riuages
Leur manoir reſtrecy.
Bien que par toy vn millier de maçons
Maints gros rochers animent de façons,
Si mourras-tu : ta plus ſeure demeure
Est la maiſon où Cerbere demeure.
Donques auare ceſſe,
Ceſſe donques & laiſſe
Le deſir d’amaſſer :
Le batelier qui garde
Le port d’Enfer, n’a garde
Pour l’or te repaſſer.
Là Rhadamant le iuge audacieux
Fait tourmenter les auaricieux,
Et l’indigent que le treſpas deliure,
Aiſe à ſon tour là bas il laiſſe viure.
Si donq’ la riche pierre,
Tant ſoit d’eſtrange terre,
Et l’or tant rechercé,
Foibles n’ont la puiſſance
D’oſter la doleance
De leur maiſtre faſché :
Pourquoy l’Egypte iray-ie ſaccager,
Pourquoy iray-ie aux Indes voyager,
Changeant mon aiſe aux richeſſes lointaines
De l’Orient quiſes à tant de peines ?