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II. LIVRE

Heureuſement priſe
Ie me voy priſé.
» Chacun n’a pas les Muſes en partage,
Et leur fureur tout eſtomac ne poind :
A qui le Ciel a fait tel auantage,
Veinqueur des ans ſon nom ne mourra point.
Durable eſt la gloire
Touſious la memoire
Sans mourir le ſuit :
Comme vent grand erre
Par Mer & par Terre
S’eſcarte ſon bruit.
C’eſt toy qui fais que i’aime les fontaines
Tout eſloigné du vulgaire ignorant,
Tirant mes pas par les roches hautaines
Apres les tiens que ie vais adorant,
Tu es ma lieſſe,
Tu es ma Deeſſe ;
Tu es mes ſouhais :
Si rien ie compoſe,
Si rien ie disſpoſe,
En moy tu le fais.
Dedans quel Antre, en quel deſert ſauuage
Me guides-tu, & quel ruiſſeau ſacré
Fils d’vn rocher, me ſera doux breuuage
Pour mieux chanter ta louange à mon gré ?
C’a page, ma Lyre,
Ie veux faire bruire
Ses languettes d’or :
La diuine grace
Des beaux vers d’Horace
Me plaiſt bien encor.