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LA FORCE

Tous deux violents et grandioses, le pape et l’artiste étaient faits pour s’entendre, quand ils ne se heurtaient point l’un l’autre avec fureur. Leur cerveau bouillonnait de projets gigantesques. Jules II voulait se faire bâtir un tombeau, digne de la Rome antique. Michel-Ange s’enflamma pour cette idée d’orgueil impérial. Il conçut un dessein babylonien, une montagne d’architecture, avec plus de quarante statues, de dimensions colossales. Le pape, enthousiasmé, l’envoya à Carrare, pour faire tailler dans les carrières tout le marbre nécessaire. Michel-Ange resta plus de huit mois dans les montagnes. Il était en proie à une exaltation surhumaine. « Un jour qu’il parcourait le pays à cheval, il vit un mont qui dominait la côte : le désir le saisit de le sculpter tout entier, de le transformer en un colosse, visible de loin aux navigateurs… Il l’eût fait, s’il en avait eu le temps, et si on le lui avait permis. »[1]

En décembre 1505, il revint à Rome, où commencèrent à arriver par mer les blocs de marbre qu’il avait choisis. On les transporta sur la place Saint-Pierre, derrière Santa-Caterina, où Michel-Ange habitait. « La masse des pierres était si grande, qu’elle excitait la stupeur des gens et la joie du pape. » Michel-Ange se mit au travail. Le pape, dans son impatience, venait sans cesse le voir, « et s’entretenait avec lui, aussi

    les deux bas-reliefs circulaires de la Madone et de l’Enfant, qui sont à la Royal Academy de Londres, et au musée du Bargello de Florence ; — la Madone de Bruges, acquise en 1506 par des marchands flamands ; — et le grand tableau à la détrempe de la Sainte Famille des Uffizi, le plus beau et le plus soigné de Michel-Ange. Son austérité puritaine, son accent héroïque, s’opposent rudement aux langueurs efféminées de l’art léonardesque.

  1. Condivi.
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