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Romain Rolland

S’il était affamé de la mort, c’est qu’il voyait en elle la fin de cet esclavage affolant. Avec quelle envie il parle de ceux qui sont morts !

Vous n’êtes plus dans la crainte du changement d’être et de désir… La suite des heures ne vous fait pas violence ; la nécessité et le hasard ne vous mènent pas… À peine puis-je l’écrire sans envie.[1]

Mourir ! Ne plus être ! Ne plus être soi. S’évader de la tyrannie des choses ! Échapper à l’hallucination de soi-même !

Ah ! faites, faites que je ne retourne plus à moi-même !

De, fate, c’ a me stesso piu non torni ![2]

J’entends ce cri tragique sortir de la face douloureuse, dont les yeux inquiets nous regardent encore, au musée du Capitole.[3]

Il était de grandeur moyenne, large d’épaules, fortement charpenté et musclé. Le corps déformé par le travail, il marchait, la tête levée, le dos creusé et le ventre

  1. . . . . . . .
    Ne tem’ or piu cangiar vita ne voglia,
    Che quasi senza invidia non lo scrivo
    L’ore distinte a voi non fanno forza,
    Caso o necessita non vi conduce

    (Poésies, LVIII. — Sur la mort de son père, 1534)

  2. Ibid., CXXXV.
  3. La description qui suit s’inspire des divers portraits de Michel-Ange : surtout de celui de Marcello Venusti, qui est au Capitole, de la gravure de François de Hollande, qui date de 1538–1539, de celle de Giulio Bonasoni, qui est de 1546, et de la description de Condivi, faite en 1553. Son disciple et ami Daniel de Volterre, et son serviteur, Antonio del Franzese, tirent, après sa mort, plusieurs bustes de lui. Leone Leoni grava, en 1560, une médaille à son effigie.
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