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la vie de Michel-Ange

peinture et de sculpture : le Jugement Dernier, les fresques de la Chapelle Pauline, et — enfin — le Tombeau de Jules II.

Quand Michel-Ange avait quitté Florence, en 1534, pour s’installer à Rome, il pensait, délivré de tous ses autres travaux par la mort de Clément VII, pouvoir terminer en paix le tombeau de Jules II, puis mourir, la conscience déchargée du fardeau qui avait pesé sur toute sa vie. Mais, à peine arrivé, il se laissa remettre à la chaîne par des maîtres nouveaux.

Paul III le fit appeler et le pria de le servir… Michel-Ange refusa, disant qu’il ne pouvait ; car il était lié par contrat avec le duc d’Urbin, jusqu’à ce que le tombeau de Jules fût achevé. Alors le pape se mit en colère et dit : « Depuis trente ans, j’ai ce désir ; et, maintenant que je suis pape, je

    Michel-Ange. Comme si un Michel-Ange avait besoin d’être « idéalisé » ! — Pendant le temps de son amitié avec Vittoria, entre 1535 et 1546, Michel-Ange aima une femme « belle et cruelle », donna aspra e bella (CIX, 89), — lucente e fera stella, iniqua e fella, dolce pieta con dispietato core (CIX, 9), — cruda e fera stella (CIX, 14) — bellezza e gratia equalmente infinita (CIX, 3), — « ma dame ennemie », comme il l’appelle encore, la donna mia nemica (CIX, 54). — Il l’aima passionnément, il s’humilia devant elle, il lui eût presque sacrifié son salut éternel :

    Godo gl’ inganni d’una donna bella… (CIX, 90)
    Porgo umilinente al’ aspro giogo il collo… (CIX, 54)
    Dolce mi saria l’inferno teco… (CIX, 55)

    Il fut torturé par cet amour. Elle s’amusait de lui :

    Questa mie donna è si pronta e ardita,
    C’ allor che la m’aneide, ogni mie bene
    Cogli ochi mi promecte e parte tiene
    Il crudel ferro dentro a la ferita… (CIX, 15)

    Elle excitait sa jalousie, et coquetait avec d’autres. Il finit par la haïr. Il suppliait le sort de la faire laide et éprise de lui, pour qu’il pût ne plus l’aimer et la faire souffrir à son tour :

    « Amour, pourquoi permets-tu que la beauté refuse ta suprême courtoisie à qui le désire et t’apprécie, et qu’elle l’accorde à des êtres stupides ? Ah ! fais qu’une autre fois elle soit de cœur aimant et si laide de corps que je ne l’aime point, et qu’elle m’aime ! »

    Voir aux Annexes, XXI. (Poésies, CIX, 63)

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