Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
la vie de Michel-Ange

à l’art et qui l’aiment. Je suis de ceux-là, et, pour ce qui est d’aimer l’art, je ne le cède à personne. Je vous rends bien votre affection, je vous le promets : jamais je n’ai aimé un homme plus que vous, jamais je n’ai désiré une amitié plus que la vôtre… Je vous prie de vous servir de moi, à l’occasion, et je me recommande éternellement à vous.

Votre tout dévoué, Thomao Cavaliere.[1]

Cavalieri semble avoir toujours gardé ce ton d’affection respectueuse et réservée. Il resta fidèle à Michel-Ange jusqu’à sa dernière heure, à laquelle il assista. Il conserva sa confiance ; il était le seul qui passât pour avoir de l’influence sur lui, et il eut le rare mérite d’en user toujours pour le bien et la grandeur de son ami. Ce fut lui qui décida Michel-Ange à terminer le modèle en bois de la coupole de Saint-Pierre. Ce fut lui qui nous conserva les plans de Michel-Ange pour la construction du Capitole, et qui travailla à les réaliser. Ce fut lui enfin, qui, après la mort de Michel-Ange, veilla à l’exécution de ses volontés.

Mais l’amitié de Michel-Ange pour lui était comme une folie d’amour. Il lui écrivait des lettres délirantes. Il s’adressait à son idole, le front dans la poussière.[2] Il l’appelle « un puissant génie,… un miracle,… la lumière de notre siècle » ; il le supplie « de ne pas le mépriser, parce qu’il ne peut se comparer à lui, à qui personne

  1. Lettre de Tommaso dei Cavalieri à Michel-Ange (premier janvier 1533).
  2. Voir surtout la réponse que fit Michel-Ange à la première lettre de Cavalieri, le jour même où il la reçut (premier janvier 1533). On a de cette lettre trois brouillons fiévreux. Dans un post-scriptum à un de ces brouillons, Michel-Ange écrit : « Il serait bien permis de donner le nom des choses dont un homme fait présent à celui qui les reçoit ; mais par égard aux convenances, cela n’arrive pas dans cette lettre. » — Il est clair qu’il s’agit du mot : amour.
110