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la vie de Michel-Ange

sions outrageantes.[1] Mais les injures des Arétins — (il y en a toujours) — ne peuvent atteindre un Michel-Ange. « Ils se font dans leur cœur un Michel-agniolo de l’étoffe dont leur propre cœur est fait. »[2]

Nulle âme ne fut plus pure que Michel-Ange. Nulle n’eut de l’amour une conception plus religieuse.

J’ai souvent entendu,

disait Condivi,

J’ai souvent entendu, Michel-Ange parler de l’amour ; et ceux qui étaient présents disaient qu’il n’en parlait pas autrement que Platon. Pour ma part, je ne sais pas ce que Platon en a dit ; mais je sais bien qu’après avoir eu si longtemps et si intimement commerce avec lui, je n’ai jamais entendu sortir de sa bouche que les propos les plus honorables, qui avaient la force d’éteindre chez les jeunes gens les désirs déréglés qui les agitent.

Mais cet idéalisme platonicien n’avait rien de littéraire et de froid : il s’unissait à une frénésie de la pensée, qui faisait de Michel-Ange la proie de tout ce qu’il voyait de beau. Il le savait lui-même, et disait, un jour qu’il refusait une invitation de son ami Giannotti :

Quand je vois un homme qui possède quelque talent ou quelque don de l’esprit, un homme qui s’entend à faire ou à dire quelque chose mieux que le reste du monde, je suis contraint de m’éprendre de lui, et alors je me donne si complètement à lui, que je ne m’appartiens plus à moi-même… Vous êtes tous si bien doués, que si j’acceptais votre invitation, je perdrais ma liberté ; chacun de vous me

  1. Le petit-neveu de Michel-Ange, dans sa première édition des Rime, en 1623, n’osa pas publier exactement les poésies à Toramaso dei Cavalieri. Il laissait croire qu’elles étaient adressées à une femme. Jusqu’aux récents travaux de Scheffler et Symmonds, Cavalieri passait pour un nom supposé, qui cachait Vittoria Colonna.
  2. Lettre de Michel-Ange à un personnage inconnu (octobre 1542). Lettres, édition Milanesi, CDXXXV.
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