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dehors du cercle étroit des savants, des riches et des oisifs qui se tuaient, s’étourdissaient, ou traînaient lâchement, comme lui, une vie désespérée. Et il se demanda pourquoi ces milliards d’êtres échappaient à ce désespoir, pourquoi ils ne se tuaient pas. Il aperçut alors qu’ils vivaient, non par le secours de la raison, mais sans se soucier d’elle, — par la foi. Qu’était-ce que cette foi, qui ignorait la raison ?

La foi est la force de la vie. On ne peut pas vivre sans la foi. Les idées religieuses ont été élaborées dans le lointain infini de la pensée humaine. Les réponses données par la foi au sphinx de la vie contiennent la sagesse la plus profonde de l’humanité.

Suffit-il donc de connaître ces formules de la sagesse, qu’a enregistrées le livre des religions ? — Non, la foi n’est pas une science, la foi est une action ; elle n’a de sens que si elle est vécue. Le dégoût qu’inspira à Tolstoï la vue des gens riches et bien pensants, pour qui la foi n’était qu’une sorte de « consolation épicurienne de la vie », le rejeta décidément parmi les hommes simples, qui mettaient seuls d’accord leur vie avec leur foi.

    blouse de moujik, la tête penchée, l’air d’un Christ allemand. Le front commence à se dégarnir aux tempes ; les joues sont creuses et barbues. — Dans un autre portrait de 1881, il a l’air d’un contre-maître endimanché : les cheveux coupés, la barbe et les favoris qui s’étalent ; la figure paraît beaucoup plus large du bas que du haut ; les sourcils sont froncés, les yeux moroses, le nez aux grosses narines de chien, les oreilles énormes.