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Pour l’apprendre, il fait un second voyage en Europe, du 3 juillet 1860 au 23 avril 1861[1].

Il étudie les divers systèmes pédagogiques. Est-il besoin de dire qu’il les rejette tous ? Deux séjours à Marseille lui montrèrent que la véritable instruction du peuple se faisait en dehors de l’école, qu’il trouva ridicule, par les journaux, les musées, les bibliothèques, la rue, la vie, qu’il nomme « l’école inconsciente » ou « spontanée ». L’école spontanée, par opposition à l’école obligatoire, qu’il regarde comme néfaste et niaise, voilà ce qu’il veut fonder, ce qu’il essaye, à son retour, à Iasnaïa Poliana[2]. Son principe est la liberté. Il n’admet point qu’une élite, « la société privilégiée libérale », impose sa science et ses erreurs au peuple, qui lui est étranger. Elle n’y a aucun droit. Cette méthode d’éducation forcée n’a jamais pu produire, dans l’Université, « des hommes dont l’humanité a besoin, mais des hommes dont a besoin la société dépravée : des fonctionnaires, des professeurs fonctionnaires, des littérateurs fonctionnaires, ou des hommes arrachés sans aucun but à leur ancien milieu, dont la jeunesse a été gâtée, et qui ne trouvent pas de place dans la vie : des libéraux irritables, maladifs[3] ». Au peuple de dire ce qu’il veut ! S’il ne

  1. Il fit dans ce voyage la connaissance, à Dresde, d’Auerbach qui avait été son premier inspirateur pour l’instruction du peuple ; à Kissingen, de Frœbel ; à Londres, de Herzen ; à Bruxelles, de Proudhon, qui semble l’avoir beaucoup frappé.
  2. Surtout en 1861-62.
  3. L’Éducation et la culture. — Voir Vie et Œuvres de Tolstoï, t. ii.