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Sa figure avait pris les traits définitifs, sous lesquels elle restera dans la mémoire des hommes : le large front que traverse l’arc d’une double ride, les broussailles blanches des sourcils, la barbe de patriarche, qui rappelle le Moïse de Dijon. Le vieux visage s’était adouci, attendri ; il portait la marque de la maladie, du chagrin, de l’affectueuse bonté. Comme il avait changé, depuis la brutalité presque animale des vingt ans et la raideur empesée du soldat de Sébastopol ! Mais les yeux clairs ont toujours leur fixité profonde, cette loyauté de regard, qui ne cache rien de soi, et à qui rien n’est caché.

Neuf ans avant sa mort, dans la réponse au Saint-Synode (17 avril 1901), Tolstoï disait :

Je dois à ma foi de vivre dans la paix et la joie, et de pouvoir aussi, dans la paix et la joie, m’acheminer vers la mort.

Je songe, en l’entendant, à la parole antique : « que l’on ne doit appeler heureux aucun homme avant qu’il soit mort ».