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pour les oppresseurs et « une envie noire pour la vie douce et rassasiée des riches : une avidité de mouches qui se rassemblent autour des déjections[1] ». Quand le socialisme aura vaincu, l’aspect du monde sera terrible. La horde européenne se ruera sur les peuples faibles et sauvages avec une force redoublée, et elle en fera des esclaves, afin que les anciens prolétaires de l’Europe puissent tout à leur aise se dépraver par le luxe oisif, comme les Romains[2].

Heureusement que la meilleure force du socialisme se dépense en fumées, — en discours, comme ceux de Jaurès…

Quel admirable orateur ! il y a de tout dans ses discours, — et il n’y a rien… Le socialisme, c’est un peu comme notre orthodoxie russe : vous le pressez, vous le poussez dans ses derniers retranchements, vous croyez l’avoir saisi, et brusquement il se retourne et vous dit : « Mais non ! je ne suis pas celui que vous croyez, je suis autre. » Et il vous glisse dans la main… Patience ! Laissons faire le temps. Il en sera des théories socialistes comme des modes de femmes, qui très rapidement passent du salon à l’antichambre[3].

Si Tolstoï fait ainsi la guerre aux libéraux et

  1. Les paroles vivantes de L. N. Tolstoy, notes de Ténéromo (chap. Socialisme), (publié en trad. franç. dans Révolutionnaires, 1906).
  2. Ibid.
  3. Conversation avec M. Paul Boyer (Le Temps, 4 novembre 1902).