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Mais son inquiétude redouble et son indignation éclate, quand il voit cette arme dangereuse du nouveau fanatisme dans les mains de ceux qui prétendent régénérer l’humanité. Tout révolutionnaire l’attriste, quand il recourt à la violence. Mais le révolutionnaire intellectuel et théoricien lui fait horreur : c’est un pédant meurtrier, une âme orgueilleuse et sèche, qui n’aime pas les hommes, qui n’aime que ses idées[1].

De basses idées, d’ailleurs.

Le socialisme a pour but la satisfaction des besoins les plus bas de l’homme : son bien-être matériel. Et ce but même, il est impuissant à l’atteindre par les moyens qu’il préconise[2].

Au fond il est sans amour. Il n’a que de la haine

    est le plus opposé à la revision, parce qu’il est choqué secrètement de ce que Nekhludov veille épouser par devoir une prostituée : toute manifestation du devoir et, plus encore, du sentiment religieux, lui fait, l’effet d’une injure personnelle. (i, p. 359.)

  1. Cf., comme types, dans Résurrection, Novodvorow, le meneur révolutionnaire, dont la vanité et l’égoïsme excessifs ont stérilisé la grande intelligence. Nulle imagination ; « absence totale des qualités morales et esthétiques qui produisent le doute ». — À sa suite, attaché à ses pas, comme son ombre, Markel, l’ouvrier devenu révolutionnaire par humiliation et par désir de vengeance, adorateur passionné de la science qu’il ne comprend pas, anticlérical avec fanatisme, et ascétique.

    On trouvera aussi, dans Encore trois morts, ou le Divin et l’Humain (trad. franç. parue dans le volume intitulé les Révolutionnaires, 1906), quelques spécimens de la nouvelle génération révolutionnaire : Romane et ses amis, qui méprisent les anciens terroristes, et prétendent arriver scientifiquement à leurs fins, en transformant le peuple agriculteur en peuple industriel.

  2. Lettre au Japonais Izo-Abe, fin 1904 (Corresp. inédite). — Voir, page 219, le chapitre : La Réponse de l’Asie à Tolstoy.