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Tolstoï ne renonça jamais à l’art. Un grand artiste ne peut, même s’il le veut, abdiquer sa raison de vivre. Il peut, pour des causes religieuses, renoncer à publier ; il ne le peut, à écrire. Jamais Tolstoï n’interrompit sa création artistique. M. Paul Boyer, qui l’a vu à Iasnaïa Poliana, dans ces dernières années, dit qu’il menait de front les œuvres d’évangélisation ou de polémique et les œuvres d’imagination ; il se délassait des unes par les autres. Quand il avait terminé quelque traité social, quelque Appel aux Dirigeants ou aux Dirigés, il s’accordait le droit de reprendre une des belles histoires qu’il se contait à lui-même, — tel son Hadji-Mourad, une épopée militaire, qui chantait un épisode des guerres du Caucase et de la résistance des montagnards sous Schamyl[1]. L’art était resté son délassement, son plaisir. Mais il eût regardé comme une vanité d’en faire parade[2]. À part son Cycle de

  1. Le Temps, 2 novembre 1902.
  2. « Ne me reprochez pas, écrit-il à sa tante, la comtesse Alexandra A. Tolstoï, de m’occuper encore de ces futilités, au