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rant, quand il s’enfuit de sa maison et des siens). — Quatre fils : Serge, égoïste et charmant, « sincère à un degré que je n’ai jamais vu atteindre » ; — Dimitri, passionné, concentré, qui plus tard, étudiant, devait se livrer aux pratiques religieuses avec emportement, sans souci de l’opinion, jeûnant, recherchant les pauvres, hébergeant les infirmes, puis soudain se jetant dans la débauche, avec la même violence, ensuite rongé de remords, rachetant et prenant chez lui une fille qu’il avait connue dans une maison publique, et mourant de phtisie à vingt-neuf ans[1] ; — Nicolas, l’aîné, le frère le plus aimé, qui avait hérité de la mère son imagination pour conter des histoires[2], ironique, timide et fin, plus tard officier au Caucase, où il prit l’habitude de l’alcoolisme, plein de tendresse chrétienne, lui aussi, vivant dans des taudis, partageant avec les pauvres tout ce qu’il possédait. Tourgueniev disait de lui « qu’il mettait en pratique cette humilité devant la vie, que son frère Léon se contentait de développer en théorie ».

Auprès des orphelins, deux femmes d’un grand cœur : la tante Tatiana[3], « qui avait deux vertus, dit Tolstoï : le calme et l’amour ». Toute sa vie n’était qu’amour. Elle se dévouait sans cesse…

Elle m’a fait connaître le plaisir moral d’aimer…

  1. Tolstoï l’a dépeint dans Anna Karénine, sous les traits du frère de Levine.
  2. Il écrivit le Journal d’un Chasseur.
  3. En réalité, elle était une parente éloignée. Elle avait aimé le père de Tolstoï, et elle en avait été aimée ; mais, comme Sonia dans Guerre et Paix, elle s’était effacée.