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hommes et les Trois Vieillards, qui devinrent, comme on sait, deux des plus beaux Récits et Contes populaires que Tolstoï publia quelques années plus tard[1].

Œuvre unique dans l’art moderne. Œuvre plus haute que l’art : qui songe, en la lisant, à la littérature ? L’esprit de l’Évangile, le chaste amour de tous les hommes frères, s’unit à la bonhomie souriante de la sagesse populaire. Simplicité, limpidité, bonté de cœur ineffable, — et cette lueur surnaturelle qui, si naturellement, baigne le tableau par moments ! Elle enveloppe d’une auréole la figure centrale, le vieillard Élysée[2], ou plane dans l’échoppe du cordonnier Martin, — celui qui, par sa lucarne au ras du sol, voit passer les pieds des gens et à qui le Seigneur fait visite, sous la figure des pauvres qu’a secourus le bon savetier[3]. Souvent se mêle, en ces récits, aux paraboles évangéliques, je ne sais quel parfum de légendes orientales, de ces Mille et une Nuits, que Tolstoï aimait depuis l’enfance[4]. Parfois aussi, la lueur fantastique se fait sinistre et donne au conte une grandeur effrayante. Tel le Moujik Pakhom[5], l’homme qui se tue à acquérir beaucoup de terre,

  1. Dans ses notes de lectures, entre 1860 et 1870, Tolstoï a écrit :

    « Les Bylines… impression très grande. »

  2. Les Deux Vieillards (1885).
  3. Où l’amour est, Dieu est (1885).
  4. De quoi vivent les hommes (1881) ; — Les Trois Vieillards (1884) ; — Le Filleul (1886).
  5. Ce récit porte aussi le titre : Faut-il beaucoup de terre pour un homme ? (1886).