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veut-il donc, et que vaut pour l’art l’idéal religieux qu’il propose ?

Cet idéal est magnifique. Le mot « art religieux » risque de tromper sur l’ampleur de la conception. Bien loin de rétrécir l’art, Tolstoï l’élargit. L’art, dit-il, est partout.

L’art pénètre toute notre vie ; ce que nous nommons art : théâtres, concerts, livres, expositions, n’en est qu’une infime partie. Notre vie est remplie de manifestations artistiques de toutes sortes, depuis les jeux d’enfants jusqu’aux offices religieux. L’art et la parole sont les deux organes du progrès humain. L’un fait communier les cœurs, et l’autre les pensées. Si l’un des deux est faussé, la société est malade. L’art d’aujourd’hui est faussé.

Depuis la Renaissance, on ne peut plus parler d’un art des nations chrétiennes. Les classes se sont séparées. Les riches, les privilégiés ont prétendu s’arroger le monopole de l’art ; et ils ont fait de leur plaisir le critérium de la beauté. En s’éloignant des pauvres, l’art s’est appauvri.

La catégorie des émotions éprouvées par ceux qui ne travaillent pas pour vivre est bien plus limitée que les émotions de ceux qui travaillent. Les sentiments de notre société actuelle se ramènent à trois : l’orgueil, la sensualité et la lassitude de vivre. Ces

    cette conception religieuse qui doit former la base du drame de l’avenir. »