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caste privilégiée comme les prêtres. Et cette caste a tous les défauts de toutes les castes. Elle dégrade et rabaisse le principe en vertu duquel elle s’organise. Ce qu’on appelle dans notre monde les sciences et les arts n’est qu’un immense humbug, une grande superstition dans laquelle nous tombons ordinairement, dès que nous nous affranchissons de la vieille superstition de l’Église. Pour voir clair dans la route que nous devons suivre, il faut commencer par le commencement, — il faut relever le capuchon qui me tient chaud, mais qui me couvre la vue. — La tentation est grande. Nous naissons ou nous nous hissons sur les marches de l’échelle ; et nous nous trouvons parmi les privilégiés, les prêtres de la civilisation, de la Kultur, comme disent les Allemands. Il nous faut, comme aux prêtres brahmanes ou catholiques, beaucoup de sincérité et un grand amour du vrai, pour mettre en doute les principes qui nous assurent cette position avantageuse, Mais un homme sérieux, qui se pose la question de la vie, ne peut pas hésiter. Pour commencer à voir clair, il faut qu’il s’affranchisse de la superstition où il se trouve, quoiqu’elle lui soit avantageuse. C’est une condition sine qua non… Ne pas avoir de superstition. Se mettre dans l’état d’un enfant, ou d’un Descartes…

Cette superstition de l’art moderne, dans laquelle se complaisent des castes intéressées, « cet immense humbug », Tolstoï les dénonce dans son livre : Qu’est-ce que l’Art ? Avec une rude verve,