sède le prurit d’impudents petits Sts Thomas. C’est autour de lui un vertige de randonnées des aventuriers de l’esprit… pauvres aventuriers, qui promènent par tous les climats de l’espace et du temps leur moi falot d’un jour, avec ses préjugés, et qui ne lorgnent rien du dehors sans loucher en dedans vers la Kasbah, Paris, et son : « Qu’en dira-t-on ?… » Ces « m’as-tu vu ? » qui, des deux Pôles à l’Équateur, se fardent la gueule pour les boulevards !… Les librairies d’après-guerre sont remplies d’un dévergondage d’écrits trépidants, qui sentent le bar et la benzine, les grands express et le radio. Ils pétaradent la pensée, bousculent l’art, la politique, la métaphysique, et troussent les fesses à la religion. Ivres pour un quart, mais point dupes, prêts à gouailler avec ce qu’ils prônent ou conspuent, sincères dans leur besoin de changer, leur voracité insatisfaite qui mord à tout et qui recrache la seconde bouchée, la fièvre aux mains, la fièvre aux pieds, le feu au cul. Le monde défile, toute la terre, en caquets d’art, en câblogrammes de globe-trotters, en un bazar d’Encyclopédie romancée. Tout mis en tas. On puise dans le tas. Sans s’arrêter, on passe la manche d’un habillement, on entre la jambe dans un système — trop court ! trop long ! — on le rejette, on écornifle les idées, sans les regarder, sans se souvenir, une heure après de la couleur des yeux de celle avec qui l’on a couché. Qui prend la peine de connaître l’âme vivante qui palpite au fond de cette chair saccagée ? Le monde défile devant l’esprit, comme un film. À l’accéléré ! Et les formes se superposent, en se fondant l’une dans l’autre. Les doigts n’en retiennent aucune. Ils laissent tomber. Toute la vigne est déchiquetée par les bandes de sansonnets. On ne fera point de vin, cette année.
Mais les sansonnets sont gris. La nuée jacasse. Dans ce tourbillon, il faut des efforts surhumains pour s’attacher à suivre une idée. Bouchard s’y épuise, le front