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LES AMIES

sur le corset des femmes, sur le nu au théâtre, — s’il ne croyait pas que l’Allemagne était en décadence, que la musique était finie, etc. etc. Ils en riaient ensemble. Mais, tout en s’en moquant, ne voilà-t-il pas que Christophe, ce Huron, se mettait à accepter les invitations à dîner ! Olivier n’en croyait pas ses yeux.

— Toi ? disait-il.

— Moi. Parfaitement, répondait Christophe, goguenard. Tu croyais qu’il n’y avait que toi qui pouvais aller voir les belles madames ? Pas du tout, mon petit ! À mon tour ! Je veux m’amuser !

— T’amuser ? Mon pauvre vieux !

La vérité était que Christophe depuis si longtemps vivait enfermé chez lui qu’il était pris soudain d’un besoin violent d’en sortir. Et puis, il éprouvait une joie naïve à humer la gloire nouvelle. Il s’ennuya d’ailleurs copieusement dans ces soirées, et trouva le monde idiot. Mais quand il rentrait, malignement il disait le contraire à Olivier. Il allait chez les gens ; mais il n’y retournait pas ; il trouvait des prétextes saugrenus, d’un sans-gêne effarant, pour esquiver leurs réinvitations. Olivier en était scandalisé. Christophe en riait aux éclats. Il n’allait pas dans les salons pour cultiver sa renommée, mais pour