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Jour de la Toussaint. Lumière grise et vent froid, au dehors. Christophe était chez Cécile. Cécile était près du berceau de l’enfant, sur lequel se penchait Mme Arnaud, qui était venue, en passant. Christophe rêvait. Il sentait qu’il avait manqué le bonheur ; mais il ne songeait pas à se plaindre : il savait que le bonheur existait… Soleil, je n’ai pas besoin de te voir pour t’aimer ! Pendant ces longs jours d’hiver où je grelotte dans l’ombre, mon cœur est plein de toi ; mon amour me tient chaud : je sais que tu es là…

Et Cécile aussi rêvait. Elle contemplait l’enfant, et finissait par croire qu’il était son enfant. Ô pouvoir béni du rêve, imagination créatrice de la vie ! La vie… Qu’est-ce que la vie ? Elle n’est pas ce que la froide raison et ce que nos yeux la voient. La vie est ce que nous la rêvons. La mesure de la vie, c’est l’amour.

Christophe regardait Cécile, dont le visage rustique aux larges yeux rayonnait de la

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