Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

280
LA FIN DU VOYAGE

leur devoir, ils se retirent prudemment, ils font le vide autour du patient, ainsi que d’un coupable. Et comme ils ne sont pas sans une honte secrète de l’aider aussi peu, ils l’aident de moins en moins ; ils cherchent à se faire oublier, et à oublier eux-mêmes. Et si le malheur importun s’obstine, si un écho indiscret pénètre jusqu’à leur retraite, ils en viennent à juger sévèrement cet homme sans courage, qui supporte mal l’épreuve. Soyez sûrs que s’il succombe, il se trouvera au fond de leur pitié sincère ce sous-entendu dédaigneux :

— Le pauvre diable ! J’avais de lui une meilleure opinion.

Dans cet égoïsme universel, quel ineffable bien peut faire une simple parole de tendresse, une attention délicate, un regard qui a pitié et qui vous aime ! On sent alors le prix de la bonté. Et que tout le reste est pauvre, à côté d’elle !… Elle rapprochait Olivier de Mme Arnaud, plus que de tout autre, même de son Christophe. Cependant Christophe s’obligeait à une patience méritoire ; il lui cachait, par affection, ce qu’il pensait de lui. Mais Olivier, avec l’acuité de son regard que la souffrance affinait, apercevait le combat qui se livrait en son ami, et combien sa tristesse lui était à charge. C’était assez pour