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LA FIN DU VOYAGE

Le lendemain, il revint et, de nouveau, passa l’après-midi à sa place de la veille. Mais le beau calme silencieux de la veille s’était animé. Son cœur chantait un hymne insouciant et heureux. Assis sur la margelle de la tombe, il écrivit sur ses genoux, au crayon, dans un carnet de notes, le chant qu’il entendait. Le jour ainsi passa. Il lui semblait qu’il travaillait dans sa petite chambre d’autrefois, et que la maman était là, de l’autre côté de la cloison. Quand il eut fini et qu’il fallut partir, — il était déjà à quelques pas de la tombe, — il se ravisa, il revint, et enfouit le carnet dans l’herbe, sous le lierre. Quelques gouttes de pluie commençaient à tomber. Christophe pensa :

— Il sera vite effacé. Tant mieux !… Pour toi seule. Pour nul autre.

Il revit aussi le fleuve, les rues familières, où tant de choses étaient changées. Aux portes de la ville, sur les promenades des anciens bastions, un petit bois d’acacias qu’il avait vu planter avait conquis la place, étouffait les vieux arbres. En longeant le mur qui bordait le jardin des De Kerich, il reconnut la borne sur laquelle il grimpait, lorsqu’il était gamin, pour regarder dans le parc ; et il fut étonné de voir comme la rue, le mur, le jardin étaient devenus petits. Devant la grille d’en-