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LA FIN DU VOYAGE

se représentait le comte et la comtesse Berény, à l’image de tant de snobs qui se disaient ses amis ; et il ne fit rien pour les rencontrer. Il les eût plutôt fuis.

C’était Paris tout entier qu’il eût voulu fuir. Il avait un besoin de se réfugier, pour quelques semaines, dans une solitude amie. S’il avait pu se retremper, quelques jours, seulement quelques jours, dans son pays natal ! Peu à peu, cette pensée devenait un désir maladif. Il voulait revoir son fleuve, son ciel, la terre de ses morts. Il fallait qu’il les revît. Il ne le pouvait point, sans risquer sa liberté : il était toujours sous le coup de l’arrêt lancé contre lui, lors de sa fuite d’Allemagne. Mais il se sentait prêt à toutes les folies pour rentrer, ne fût-ce qu’un seul jour.

Par bonheur, il en parla à un de ses nouveaux protecteurs. Comme un jeune attaché à l’ambassade d’Allemagne, rencontré à la soirée où l’on donnait ses œuvres, lui disait que son pays était fier d’un musicien tel que lui, Christophe répondit amèrement :

— Il est si fier de moi qu’il me laissera mourir à sa porte, sans m’ouvrir.

Le jeune diplomate se fit expliquer la situation ; et, quelques jours après, il revint voir Christophe, et lui dit :