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LA FIN DU VOYAGE

ou qui peut être le lot de tous. L’âme atterrée par ce deuil, d’où Christophe avait proscrit les effets ordinaires de mélodrame pleurard, se relevait peu à peu, par un douloureux effort, pour offrir sa souffrance en sacrifice à Dieu. Elle reprenait courageusement son chemin, dans le morceau suivant qui s’enchaînait au second, — une fugue volontaire, dont le dessin intrépide et le rythme obstiné finissaient par s’emparer de l’être, et menaient, au milieu des luttes et des larmes, à une marche puissante, pleine d’une foi indomptable. Le dernier morceau peignait le soir de la vie. Les thèmes du commencement y reparaissaient avec leur confiance touchante et leur tendresse qui ne pouvait vieillir, mais plus mûrs, un peu meurtris, émergeant des ombres de la douleur, couronnés de lumière, et poussant vers le ciel, comme une riche floraison, un hymne de religieux amour à la vie et à Dieu.

Christophe cherchait aussi dans les livres du passé de grands sujets simples et humains, parlant au cœur de tous, dans ce qu’il a de meilleur. Il en choisissait deux : Joseph et Niobe. Mais là, Christophe se heurtait non seulement au manque de poète, mais à la question périlleuse, discutée depuis plusieurs