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ANTOINETTE

le double courant des voitures, amoncelant pour quelques instants une barrière inextricable. Christophe, malgré tout, s’obstinait à passer : il se trouva pris au milieu des voitures, sans pouvoir avancer ni reculer. Quand il réussit à se dégager enfin et à atteindre la place où il avait vu Antoinette, elle était loin, déjà : elle avait fait de vains efforts pour se débattre contre le torrent humain ; puis, elle s’était résignée, elle n’avait plus essayé de lutter ; elle avait le sentiment d’une fatalité qui pesait sur elle, et qui s’opposait à sa rencontre avec Christophe : on ne pouvait rien contre la fatalité. Et quand elle avait réussi à sortir de la foule, elle n’avait plus tenté de revenir sur ses pas ; une honte l’avait prise : qu’oserait-elle lui dire ? Qu’avait-elle osé faire ? Qu’avait-il pu penser ? — Elle s’enfuit chez elle.

Elle ne se sentit rassurée que quand elle fut rentrée. Mais une fois dans sa chambre,