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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

et pénibles, une mélancolie accablante. Dans la journée, pour secouer sa torpeur, elle voulut sortir un peu. Quoique la tête continuât à la faire souffrir, — pour se donner un but, elle alla faire quelques emplettes à un grand magasin. Elle ne pensait guère à ce qu’elle faisait. Tout le temps, sans se l’avouer, elle pensait à Christophe. Comme elle sortait, harassée et triste à mourir, au milieu de la cohue, elle aperçut sur le trottoir, de l’autre côté de la rue, Christophe qui passait. Il la vit en même temps. Aussitôt, — (ce fut irréfléchi et soudain) — elle tendit les mains vers lui. Christophe s’arrêta : il la reconnaissait, cette fois. Déjà, il sautait sur la chaussée, pour venir à Antoinette ; et Antoinette s’efforçait d’aller à sa rencontre. Mais le flot brutal de la foule remporta comme un fétu de paille, tandis qu’un cheval d’omnibus, s’abattant sur l’asphalte glissant, formait devant Christophe une digue, contre laquelle se brisa aussitôt