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ANTOINETTE

nuit, et elle se levait pour rallumer l’électricité. Le rire de son frère la ranimait.

L’automne avançait. Le soleil s’éteignait. La nature se fanait. Sous l’ouate des brumes et des nuages d’octobre, les couleurs s’amortirent ; la neige vint sur les hauteurs, et le brouillard dans la plaine. Les voyageurs s’en allèrent, un à un, puis par bandes. Et ce fut la tristesse de voir partir les amis, même les indifférents, et, plus que tout, l’été, le temps de calme et de bonheur qui avait été une oasis dans la vie. Ils firent une dernière promenade ensemble, un jour d’automne voilé, dans la forêt, le long de la montagne. Ils ne parlaient pas, ils rêvaient, un peu mélancoliques, se serrant frileusement l’un contre l’autre, enveloppés dans leurs manteaux aux collets relevés ; leurs doigts étaient entrelacés. Les bois humides se taisaient, pleuraient en silence. On entendait au fond le cri doux et plaintif d’un oiseau solitaire, qui sen-