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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Le maigre argent des Jeannin s’en allait rapidement. Ils constataient, chaque soir, avec un serrement de cœur, la brèche plus large qui s’ouvrait à leur bourse. Ils essayaient de se priver ; mais ils ne savaient pas : c’est une science, qu’il faut bien des années d’épreuves pour apprendre, quand on ne l’a point pratiquée depuis l’enfance. Ceux qui ne sont pas économes, de nature, perdent leur temps à vouloir l’être : dès qu’une nouvelle occasion de dépenser se présente, ils y cèdent ; l’économie est toujours pour la prochaine fois ; et quand par hasard ils gagnent ou croient avoir gagné la plus petite chose, ils se hâtent de faire servir le gain à des dépenses, dont le total finit par le dépasser dix fois.

Au bout de quelques semaines, les ressources des Jeannin se trouvaient épuisées. Mme Jeannin dut abdiquer tout reste d’amour-propre, et elle alla, à l’insu de ses enfants, faire une demande d’argent à