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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

un enthousiasme frénétique, comme les gestes du chef d’orchestre, et les clameurs de la musique…

— Tu parles !… disait Christophe.

(Car il était devenu un Parisien accompli.)


Mais il est plus facile de pénétrer l’argot de Paris, que sa musique. Christophe jugeait, avec la passion qu’il mettait à tout, et l’incapacité native des Allemands à comprendre l’art français. Du moins, il était de bonne foi et ne demandait qu’à reconnaître ses erreurs, si on lui prouvait qu’il s’était trompé. Aussi, ne se regardait-il point comme lié par son jugement, et laissait-il la porte grande ouverte à toutes les impressions nouvelles, qui pourraient le changer.

Dès à présent, il ne laissait pas de reconnaître dans cette musique beaucoup de talent, un matériel intéressant, de curieuses trouvailles de rythmes et d’harmonies, un assortiment d’étoffes fines, moelleuses et brillantes, un papillotage de couleurs, une dépense continuelle d’invention et d’esprit. Christophe s’en amusait, et il en faisait son profit. Tous ces petits maîtres avaient infiniment plus de liberté d’esprit que les musiciens d’Allemagne ; ils quittaient bravement la grande route, et se lançaient à travers bois. Ils cherchaient à se perdre. Mais c’étaient de si sages petits enfants qu’ils n’y parvenaient point. Les uns, au bout de vingt pas, retombaient sur le grand chemin. Les autres se lassaient tout de suite,